Urgentologue, doyen pendant huit ans à la Faculté de médecine de l’Université Laval et bédéiste passionné, Julien Poitras rejoint aujourd’hui les rangs du programme philanthropique Les Cent-Associés. Un passage naturel, presque inévitable, tant la philanthropie a été au cœur de sa vision et de ses implications durant son décanat.
Julien Poitras a grandi à Baie-Sainte-Catherine, dans une de ces régions où la rareté des services appelait alors à une solidarité et une entraide dans les communautés. Curieux de nature, il s’intéressait autant aux sciences qu’au dessin. Son cheminement universitaire a d’ailleurs été marqué par cette quête d’équilibre, entre la sensibilité artistique et la rigueur scientifique.
Après des études collégiales en sciences pures, Julien Poitras saisit l’occasion d’aller étudier un an à l’Université d’Ottawa en arts visuels, baccalauréat qu’il complétera à Québec, à l’Université Laval. Alors que la maîtrise aurait été une option, il choisit finalement de se réorienter vers la médecine : « Durant mon bac en arts visuels, j’avais suivi un cours d’anatomie à la Faculté de médecine, parce que je me disais que ça allait m’aider avec mon dessin, qui se voulait réaliste. Ça a été en fait mes premiers pas vers la profession. »
Depuis, Julien Poitras est devenu urgentologue au Centre hospitalier affilié universitaire Hôtel-Dieu de Lévis du CISSS de Chaudière-Appalaches et il a créé une maison d’édition, Moelle Graphik, qui lui a permis de pousser plus avant son intérêt pour la bande dessinée. Ce cheminement pluridisciplinaire a nourri sa conviction qu’il faut s’éloigner des routes déjà tracées, car souvent, ce sont les détours imprévus qui donnent tout son sens à la destination.
Une vision décloisonnée de la médecine
De ses origines rurales et de son propre parcours, Julien Poitras retient une idée forte : il n’existe pas un seul profil type pour devenir un bon soignant. « La médecine gagne à accueillir des étudiantes et des étudiants venus d’horizons différents, porteurs d’expériences de vie qui enrichissent la profession et la rendent plus représentative de la société qu’elle sert », affirme-t-il.
Il a toujours cru que l’accès aux études en sciences de la santé devait être élargi, particulièrement pour les jeunes issus de milieux moins favorisés et de régions moins urbaines. « À l’époque, quand je suis entré en médecine, rappelle le Dr Poitras, c’était plus facile de le faire avec un parcours académique non linéaire que ça l’est aujourd’hui. À travers les années, on a admis une proportion toujours plus grande de personnes étudiantes avec une formation en sciences, issues de couches socio-économiques plus favorisées et de centres urbains. »
Comme doyen, il a voulu contribuer à changer le cours des choses. Nombre d’initiatives ont vu le jour dans une perspective de responsabilité sociale, thème central de son plan d’action durant ces huit dernières années. Mentionnons les forums citoyens entrepris dans les communautés du Québec pour consulter la population sur leurs besoins en matière de santé, l’implantation des pavillons d’enseignement de la médecine à Rimouski et à Lévis, qui favorisent le recrutement étudiant dans les régions, et le programme de bourses Envol, destiné à appuyer financièrement des personnes issues de milieux socio-économiques moins favorisés.
Études à l’appui, Julien Poitras croit fermement que la diversité engendrée par ces projets contribue à faire des médecins plus ouverts aux différentes réalités, plus humains aussi.
Transmettre la philanthropie
Au fil de son parcours, Julien Poitras a croisé des figures marquantes. Parmi celles-ci, Éric Dupont, le premier des Cent-Associés du programme, diplômé de la Faculté de médecine, et aussi Claude Topping, qui a été un mentor comme directeur de programme en médecine d’urgence. Lorsque celui-ci choisit de faire un don pour devenir Cent-Associé, le Dr Poitras a de nouveau été inspiré. Il a alors eu l’idée de lancer une campagne pour rallier 10 nouveaux membres des Cent-Associés à la Faculté de médecine : « Claude avait déjà semé cette idée chez les médecins en contribuant à accroître l’engagement philanthropique à la Faculté. »
Pour lui, il était évident qu’on ne peut inspirer sans montrer l’exemple. C’est pourquoi, bien que de nature humble, il avait décidé dès le début de la campagne qu’il ferait partie des futurs membres du programme philanthropique.
Le don d’exception de Julien Poitras reflète sa double formation. Il a choisi de le diriger vers la Faculté de médecine, bien sûr, mais la moitié du don ira aussi vers la Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design. « Ce geste se veut un tribut à l’interdisciplinarité, renforcer l’idée qu’on est capables de faire des projets ensemble entre facultés, cultiver le dialogue et franchir les barrières », témoigne-t-il.
Le geste de Julien Poitras incarne une vision décloisonnée de l’éducation supérieure et porte en lui les valeurs qu’il souhaite léguer aux générations futures : la philanthropie, l’humanisme, l’humilité et la compassion.